Le programme – Résidences d’artisanat d’art du design et de la création (RAADEC) –, en collaboration avec le célèbre designer Cheick Diallo, s’est tenu à Foumban, au Cameroun en juin et marque une étape cruciale pour transformer l’artisanat traditionnel sur le continent.
Innover pour Transformer l’Artisanat
Le workshop de RAADEC vise à répondre à une nécessité impérieuse : innover pour transformer l’artisanat en Afrique. L’objectif est de revaloriser les savoir-faire ancestraux tout en les adaptant aux besoins et aux esthétiques contemporaines. Sous la direction experte de Cheick Diallo, les participants ont exploré comment les techniques traditionnelles de poterie, de gravure sur bois et de fonderie peuvent être réinterprétées pour créer des objets d’usage quotidien, à la fois fonctionnels et artistiques.
Ce workshop est un vecteur de changement de paradigme dans la commune de Foumban car il invite les artisans et les étudiants foumbanais à collaborer pour créer et développer les savoir-faire.
Hon. Patricia Tomaino Ndam Njoya, maire de la commune de Foumban
Les Défis de la commune de Foumban
Foumban, bien connue pour son riche patrimoine artisanal, fait face à de nombreux défis. La préservation et la transformation des pratiques artisanales locales sont essentielles pour assurer leur survie et leur pertinence dans le monde moderne. Cependant, attirer les jeunes vers ces métiers traditionnels reste une tâche ardue. La formation que reçoivent les jeunes en design, n’intègre pas assez la transmission de la pratique artisanale, elle reste théorique et pas assez pratique ou pragmatique dans un environnement où 80% des biens consommés sont importés.
Ce workshop cherche à inspirer une nouvelle génération d’artisans en démontrant que l’artisanat et surtout le design peuvent être une carrière viable, innovante et gratifiante si l’on sort de l’objet destiné aux touristes et explore les objets fonctionnels et contemporains.
« On nous a souvent dit qu’il faut être formé pour être designer, mais de quelle formation s’agit-il ? Si c’est former pour oublier les savoir-faire, moi je dis non. »
Cheick Diallo, designer et mentor du programme RAADEC
Cheick Diallo : Un Pionnier de l’innovation artisanale
Cheick Diallo, a apporté son expertise et sa vision unique à ce workshop. Son approche innovante, qui fusionne les techniques traditionnelles avec des concepts contemporains, a servi de modèle pour les artisans locaux. Il a partagé ses méthodes pour transformer des matériaux locaux en objets d’art sophistiqués, soulignant ainsi le potentiel de l’artisanat foumbanais sur la scène internationale.
Il a su donner comme il sait le faire leur noblesse aux gestes qui ont transformé les matériaux locaux dits « pauvres » en travaillant principalement à la main pour créer des motifs et des formes valorisant le bois, la terre et le métal.
Au cours des vingt dernières années, Cheick Diallo s’est imposé comme une figure majeure du continent, souvent cité comme le premier à avoir développé le design conceptuel dans un contexte africain.
Aventurier créatif, Diallo s’est formé comme architecte à l’École d’Architecture de Normandie en France, où il a découvert le design. Il s’inscrit alors au cours de design de mobilier à l’École Nationale Supérieure de Création Industrielle (ENSCI) à Paris de 1992 à 1994.
De retour dans sa ville natale de Bamako, Diallo établit son studio, décidant dès le départ de se limiter à l’utilisation de matériaux locaux dits « pauvres » et de compétences artisanales, travaillant principalement à la main. Lui et son équipe d’artisans produisent des meubles et objets d’une finition impeccable qui jouent de manière ambiguë avec la notion de luxe, fabriquant des objets à partir de détritus locaux tels que des capsules de bouteilles, des fils de pêche, du cuir et de vieux pneus.
Il est devenu célèbre pour ses chaises et chaises longues élégamment courbées, faites de fils de nylon noués et colorés. « Je voulais utiliser le savoir-faire des artisans de Bamako qui ont développé une technique de tissage utilisant des fils de pêche depuis l’indépendance », explique-t-il.
Cheick Diallo vit et travaille à Bamako au Mali
Mon vœu le plus pieux est qu’on éduque notre jeunesse à valoriser son talent. L’encadrement et l’accompagnement sont vitaux pour que la jeunesse puisse trouver sa marque en Afrique et se projeter dans le monde.
Cheick Diallo
Programme et Objectifs du Workshop
Le workshop, d’une durée de 9 jours a réuni près de 25 artisans, 6 apprentis et 6 étudiants de Foumban et des villes voisines. Les sessions comprenaient des démonstrations pratiques, des discussions théoriques et des ateliers de création. L’objectif de fournir aux participants les compétences et l’inspiration nécessaires pour innover dans leurs pratiques artisanales, en créant des produits qui répondent aux exigences modernes tout en honorant les traditions a été largement atteint lors de ce premier essai.
« Les industries créatives africaines surtout la mode et le design souffrent cruellement d’un manque d’innovation et de formation, c’est la raison pour laquelle la grande majorité des initiatives peinent à favoriser les emplois pérennes. Avec ce programme de résidences et de workshops, nous tentons de faire bouger les lignes et accompagner les jeunes à se former à la pratique d’un métier artisanal. Foumban nous l’a démontré, la formation que reçoivent les jeunes n’est pas adaptée au cadre dans lequel ils vivent et sans terrain d’exercices, des ressources matérielles et un réel écosystème, il est difficile d’envisager d’en faire réellement un métier. »
Nelly Wandji, directrice des programmes et des partenariats